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Par Azelma Sigaux, porte-parole de la REV

Tribune initialement publiée sur Le Monde, le 30/01 (lien vers la tribune sur le site du journal)

Après des dizaines d’années de politique libérale, les conséquences sur le secteur agricole ne peuvent plus passer sous silence : les agriculteurs souffrent d’un endettement grandissant, d’une rémunération misérable, d’un environnement sanitaire déplorable et d’une pression immense de la part des industriels. Aujourd’hui, leur colère légitime s’exprime. Aussitôt la mobilisation initiée, le gouvernement, les politiques d’extrême-droite et la FNSEA se sont précipités pour se placer en défenseurs des agriculteurs, mettant la faute sur l’écologie. Cette tentative écœurante de récupération se base sur des mensonges : aucune réelle politique écologique n’a été menée jusqu’alors. Et c’est précisément sur ce sujet que se joue l’avenir de l’agriculture.

L’industrialisation de l’agriculture tue les paysans et le vivant

Avec un taux de suicide record — un tous les deux jours, la profession agricole, enfermée dans un système mortifère, ne veut plus se taire. En cause ? Un modèle qui pousse à l’industrialisation des exploitations. Les subventions de la Politique Agricole Commune tardent à être reversées et sont conditionnées à l’hectare exploité. Les agriculteurs ont donc le choix : cesser leur activité faute de moyens, ou l’agrandir. Dès lors, les petits établissements familiaux disparaissent au profit d’importantes structures déshumanisées. Entre 2010 et 2020, le secteur a perdu 20% de ses exploitations. Durant la même période, celles restantes ont vu leur superficie augmenter de 25%1. Les agriculteurs qui arrivent à la tête de ces immenses firmes sont contraints d’acheter toujours plus de machines coûteuses, s’endettant parfois à vie, et se tournent vers la monoculture et l’utilisation de produits phytosanitaires dont ils sont les premières victimes. Dans le même temps, ce modèle dans lequel ils sont pieds et poings liés détruit le reste du vivant, impactant la biodiversité, l’eau, les sols et les conditions de détention des animaux. Les seuls bénéficiaires de cette situation ? Les industries de l’agroalimentaire et les firmes phytosanitaires, qui se rendent coupables de drames humains et écologiques.

FNSEA, lobby responsable de la misère agricole

Le syndicat majoritaire des agriculteurs prétend les protéger. En réalité, cette organisation est complice de la détérioration de leurs conditions de vie car elle sert les intérêts de l’agro-industrie, à l’image de son dirigeant actuel, Arnaud Rousseau, PDG de la firme Avril. Il est d’ailleurs loin d’être le seul, au sein de cette organisation, à s’enrichir au détriment de la vie des agriculteurs. De nombreuses coopératives agricoles gérées par des responsables de la FNSEA poussent quotidiennement les exploitants à acheter des produits phytosanitaires et à s’endetter pour s’en sortir financièrement2. Ces promesses sont des leurres alimentés par nos dirigeants. Sous l'influence du premier lobby agricole, les politiques publiques encouragent les pratiques intensives et l'utilisation massive de pesticides. En octobre dernier, nous avions d’ailleurs alerté l’opinion alors que le syndicat majoritaire offrait un petit-déjeuner aux parlementaires dans un restaurant à deux pas de l’Assemblée, quelques jours avant un vote sur le prolongement de l’autorisation du glyphosate. La mobilisation actuelle des agriculteurs est une réponse à des décennies d'abandon de la part de la FNSEA, qui les a entraînés dans le piège infernal de l’industrialisation à outrance.

Il est temps de rompre avec l'influence toxique de la FNSEA et de redonner aux agriculteurs la possibilité de décider de leur avenir, avec des politiques agricoles justes, écologiques et centrées sur le respect des travailleurs de la terre.

L’agriculture devra se passer de l’élevage

C’est désormais un consensus scientifique et une recommandation de nombreuses institutions, de la Cour des comptes jusqu’à l’OMS en passant par l’ADEME : réduire la consommation de viande et la taille des élevages est une nécessité écologique, sanitaire et économique. Nous le rappelions déjà dans notre tribune “Elevage: Réduire avant d’abolir” publiée en juillet dernier.
Au-delà de l’urgence absolue à interdire les fermes-usines, nous devons aller plus loin et viser, à terme, la fin de tous les élevages, y compris pour les intérêts des agriculteurs. De plus en plus d’exploitants se disent prêts à végétaliser à 100% leur activité. L’association Co&xister, fondée par Virginia Markus et avec laquelle nous sommes partenaires, accompagne ainsi de nombreux éleveurs dans leur reconversion professionnelle qui leur apparaît comme une nécessité morale et économique.

Pour une PAC juste et éthique

La Politique Agricole Commune est un outil européen qui, au lieu de permettre aux agriculteurs d’opérer une transition vertueuse dans les meilleures conditions, accélère le déclin de leur profession. Tel qu’il est pensé actuellement, ce système de subvention et de régulation favorise les grandes exploitations au détriment des petites structures familiales. Une véritable PAC juste et éthique devrait assurer aux agriculteurs des revenus décents, défendre les petites exploitations et soutenir les pratiques végétales, biologiques et respectueuses du vivant. L’heure est à la création d’une toute nouvelle PAC, à l’image du modèle agricole qui s’impose.
Si nous voulons libérer les agriculteurs des chaînes qui les lient aux industriels, si nous voulons mettre définitivement fin au malaise paysan et empêcher la catastrophe agricole en cours, nous devons rompre avec le modèle écocidaire défendu notamment par nos gouvernants et la FNSEA. Nous devons lutter contre les tentatives d’opposer les écologistes aux agriculteurs. Face à la crise qui est à l’œuvre, travailleurs et défenseurs du vivant doivent s’allier en faveur de la seule politique viable et capable de sauver l’agriculture : une écologie radicale et antiproductiviste.


1. https://terredeliens.org/national/actu/le-plus-grand-plan-social-de-lhistoire-08-06-2022/

2. https://basta.media/Pourquoi-la-FNSEA-est-elle-accro-au-glyphosate

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