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Par Sandro Rato, documentaliste de la REV 

Il existe de très nombreux courants de pensées qui abordent la question de l’antispécisme et de sa place dans le mouvement plus large de la défense du vivant.
Au sein de ce foisonnement intellectuel, certain·e·s défendent l’idée selon laquelle la défense du vivant est incompatible avec l’antispécisme. Au contraire, la REV fait le lien entre ces deux courants de pensée pour développer un programme politique complet d’écologie de rupture à la fois antispéciste et anticapitaliste.


Dans cet article, Sandro Rato, documentaliste à la REV, nous propose un tour d’horizon détaillé des opinions qui animent le débat et rappelle avec force la position de la REV : l’écologie et l’antispécisme peuvent avancer ensemble et même se renforcer d’un programme social radical.

Le vivant contre le spécisme, le vivant pour la convergence

Nous sommes sentientistes parce que nous sommes antispécistes. De la même manière, nous sommes féministes parce que nous sommes antisexistes. Nous sommes internationalistes car nous sommes antiracistes. 

Mais nous sommes également écologistes car nous sommes biocentristes, écocentristes et anticapitalistes. 

Ça va mieux en le disant ! 

Mais pourquoi ce rappel qui semble évident à celles et ceux qui connaissent la REV et ses combats ? 

Tout simplement parce que notre parti a été interpellé via divers canaux à propos d'un supposé paradoxe concernant notre positionnement politique. 

Quel est-il ? 

Pour paraphraser l'essayiste antispéciste Thomas Lepeltier (1), il serait difficilement compréhensible (pour certain·e·s du moins) que la REV défende les intérêts des animaux sentients (2) tout en se revendiquant d'une attention portée au vivant. Nous pouvons noter, pour rendre compte des conséquences de ce paradoxe apparent, que certain·e·s militant·e·s antispécistes, au cours d'échanges que nous avons pu mener sur le terrain, semblent même découvrir que nous sommes un parti antispéciste et nous félicitent même pour notre évolution !!! Rappelons tout de même que nous revendiquons l'abolition de l'exploitation animale depuis notre création en 2018… C'est dire l'intérêt d'apporter une clarification sur notre position dans tout ce débat plus qu'humain… 

Historiquement et conceptuellement, l’alliance de l’antispécisme et de la défense du vivant ne va pas de soi

De nombreux écrits mettent en avant la distance philosophique qui sépare la notion de sentience et celle du vivant dans son ensemble. Ainsi, l’on peut être antispéciste sans accorder de valeur intrinsèque au vivant non sentient. Dans une autre perspective, on peut également développer une pensée de la défense du vivant sans dénoncer le spécisme. Pour certain·e·s les deux notions sont même inconciliables.

L'objection à l'usage antispéciste du terme vivant, qui n'est pas nouvelle, a été formulée à de nombreuses reprises suite à la conférence de Victor Duran-Le Peuch (3) lors de l'UniREVcité 2023. Sa conférence (Pour une écologie réellement antispéciste) portait précisément sur un problème qui semble insoluble pour les pensées du vivant contemporaines : la prise en compte du spécisme comme oppression systémique et de l'antispécisme comme lutte sociale légitime et nécessaire. De manière encore plus précise, Victor Duran-Le Peuch s'est attardé notamment sur les propos du philosophe-pisteur Baptiste Morizot (4)  et de la philosophe et psychologue Vinciane Despret (5) qui héritent toustes deux de la pensée et des analyses du sociologue et philosophe Bruno Latour, disparu l'an dernier.

Ces pensées du vivant, qui ne sont pas nouvelles non plus et que nous pouvons faire remonter au moins à l'écologie profonde d'Arn Naess (6), sont riches et témoignent d'une volonté de plus en plus prégnante, face aux cataclysmes écologiques et sociaux en cours, de critiquer l'anthropocentrisme afin d'élargir nos horizons politiques pour y inclure des subjectivités et des mondes autres qu'humains. Baptiste Morizot plaide ainsi pour des égards ajustés et des relations diplomatiques en faveur et avec les vivants non humains là où Vinciane Despret imagine l'autobiographie d'un poulpe et se nourrit des recherches éthologiques les plus récentes pour mieux nous éclairer sur les perceptions spécifiques des animaux non humains. Bruno Latour a, quant à lui, fait partie des intellectuel·le·s chercheur·euse·s qui s'attellent encore aujourd'hui à déconstruire les dualismes dits modernes qui correspondent à notre manière d'appréhender le monde, en tant qu'humains occidentaux, dans l'anthropocène.

D'autres penseur·euse·s et anthropologues (Philippe Descola est l'un des plus cité·e·s) dont celleux de la "galaxie du vivant",  selon l'appellation de Duran-Le Peuch, évoquent autant de dualismes dits modernes entre culture et nature, humains et animaux qui permettent d'arriver aux mêmes conclusions politiques. Ce sont ces conclusions qui nous intéressent en priorité à la REV. Elles représentent les récits auxquels nous nous opposons.

Dans ces récits, il y aurait les humains et les sociétés (civilisations occidentales, modernes) d'un côté et les êtres de Nature de l'autre. Ces derniers seraient soumis aux déterminismes et juste bons à servir de vivier et de ressources pour la modernité ou condamnés à rester à un stade primitif (7). La violence d'un certain concept de Nature est donc au cœur des débats écologistes actuels que nous schématisons ici à (trop) grands traits.

Cela tombe bien pour le sujet qui nous préoccupe ici car la violence d'un certain concept de Nature est aussi au cœur de certaines critiques antispécistes. Pour autant, nous nous heurtons là à ce qui semble être une impasse du débat actuel qui est avant tout une impasse en termes d'éthiques. 

Ainsi, Baptiste Morizot, comme Vinciane Despret et Bruno Latour (pour ne citer qu'elleux) livrent une critique acerbe de l'antispécisme tout en héritant des éthiques biocentrées et écocentrées (8). 

Cette opposition frontale peut être explicitée dans ces termes : l'antispécisme, malgré sa volonté de dépasser l'anthropocentrisme en revendiquant une égalité de considération pour tous les êtres sentients ne fait que reproduire un dualisme moderne. Il y aurait les êtres sentients d'un côté et le reste du monde (non sentient donc), réduit à de la nature-ressource, de l'autre. La valeur des non-sentients serait purement utilitaire. Baptiste Morizot accuse donc de manière indifférenciée les "attitudes antispécistes" de former une sorte d'anthropocentrisme élargi, de club select mais tout juste un peu moins fermé que d'autres car faisant place à certains animaux, ainsi sacralisés. Le philosophe-pisteur insiste sur le caractère toxique, selon lui, de telles attitudes. Cette position est celle que l'on peut retrouver chez d'autres penseur.euses de la "galaxie du vivant" (lorsqu'ils n'ignorent pas purement et simplement la question précise du spécisme). 

Le REV fait le pari de dépasser les paradoxes supposés : défense du vivant et antispécisme peuvent aller de pair

Quand certain·e·s argumentent pour opposer la pensée antispéciste et la pensée du vivant, la REV réussit à défendre un projet politique cohérent qui intègre les deux pensées. Nous ne cherchons pas à décrédibiliser les écrits qui structurent fortement les courants de pensées actuels. Nous revendiquons néanmoins un projet politique unique qui permet de dépasser ces clivages.

Nous avons bien conscience que ces débats peuvent sembler obscurs ou purement spéculatifs. Pourtant, il n'en est rien car ils recoupent précisément chacune des mesures de notre base programmatique. 

Il ne s'agit pas pour nous d'ignorer l'état du débat actuel ni d'affirmer sans détour que l'antispécisme s'inclut naturellement dans un projet politique qui s'intéresse à la question du vivant. Nous ne disons pas que la question animale c'est la question écologique ni que la première est forcément soluble dans la seconde. Il n'y a pas qu'une façon de concevoir l'écologie politique ! De la même manière, il n'y a pas une critique unique de l'anthropocentrisme et il n'y a pas non plus une seule attitude antispéciste possible… 

En l'occurrence et au risque de choquer certain·e·s de nos interlocuteur·ice·s antispécistes, nous tenons l'objection de Morizot explicitée plus haut comme étant valable lorsqu'elle s'applique à une attitude antispéciste en particulier. Nous n'évoquons pas plus longuement ici les derniers arguments dont l'auteur de L'inexploré use pour disqualifier la lutte pour les droits des animaux sentients dans son dernier ouvrage tant ceux-ci découlent d'une malhonnêteté intellectuelle qui serait risible si elle ne concernait pas la vie et la mort de centaines de milliers d'individus par jour. Reste que, selon Morizot, notre nature d'"animaux mangeants" ferait que notre inscription, en tant qu'animaux humains, dans la continuité du vivant ne peut que se concrétiser à travers  l'alimentation carnée, c'est-à-dire en assumant une essence de prédateur. Cette essence est quasi-mystique chez Morizot qui évoque une circulation ininterrompue d'énergie vitale à travers l'absorption du corps d'autres vivants... Perplexe ? Oui, nous aussi !  Cet argumentaire pourrait tout aussi bien servir à justifier le cannibalisme et le viol… 

En dehors de situations de survie bien précises, la position prédatrice de l'humain au sein du vivant est loin d'être une évidence scientifique et/ou sensible ! 

Revenons donc à la critique valable, livrée par Morizot, d'une certaine attitude antispéciste. Nous nommons cette attitude sentientisme exclusif dans la mesure où elle entend tracer une frontière étanche entre les sentients, objets de considération morale, et les non-sentients dont la valeur ne pourrait être qu'instrumentale. L'écologie, par cette approche, serait donc réduite à un simple environnementalisme et ne serait donc pas un projet global et cohérent de société. Il s'agirait de prendre soin de la maison commune, d'un cadre, d'un environnement, que nous pourrions néanmoins transformer à notre guise en veillant seulement aux intérêts (qui les définit?) des animaux sentients. C'est là une position largement répandue dans le milieu intellectuel et militant antispéciste, notamment francophone, et que nous dénonçons au même titre que les divagations de penseur.euses du vivant qui ignorent ou dénoncent les questions antispécistes pour pouvoir justifier de continuer à se repaître de cadavres en gardant bonne conscience (9).

Le sentientisme exclusif, au contraire, s'incarne particulièrement dans les écrits anti-écologistes de Thomas Lepeltier, David Olivier et Yves Bonnardel, figures historiques de l'antispécisme en France (10). Entendons-nous bien, il ne s'agit pas ici de jeter l'opprobre sur des intellectuels en particulier, dont nous pouvons apprécier et partager certaines analyses relatives à la seule question animale. Mais nous les tenons sur d'autres questions comme des adversaires politiques. Il en va de même pour les penseur·euse·s du vivant dont les analyses et écrits nous inspirent dans nos luttes quotidiennes sans que l'on partage leur opinion, trop souvent bien arrêtée, sur l'antispécisme.

Notre démarche, dans le paysage politique français, est unique, et concerne directement ce que l'on nomme le tournant non-humain en philosophie. C'est-à-dire, l'ensemble des considérations pour les êtres et/ou entités autres qu'humaines qui participent à créer et faire perdurer le monde que nous habitons toustes. Le tournant non-humain rassemble à la fois les études animales (dont les critiques antispécistes font partie), les tenant.es de la "galaxie du vivant" (qui sont pourtant bien terrestres) et les Nouveaux Matérialistes (qui s'intéressent philosophiquement à l'agentivité propre à la matière elle-même).

À partir de ces lectures critiques diverses, l'apport de la REV consiste à croiser les éthiques (sentientiste, biocentrée et écocentrée) afin de faire le lien entre luttes sociales, auxquelles nous incluons sans ambiguïté le sentientisme (antispécisme), et les luttes écologiques. Celles-ci correspondent, selon nos revendications, aux éthiques biocentrée et écocentrée par opposition avec une écologie mathématique, une écologie des stocks et d'une nature à préserver parce qu'elle serait au service des seuls humains (ou des seuls sentients, vous aurez compris). Nous nous opposons ainsi au concept même d'exploitation et de nature-ressource et condamnons l'extractivisme débridé et les atteintes écocidaires faites à ce monde, à cette terre que nous habitons et façonnons au même titre que les autres vivants, sentients ou non.

La REV revendique un projet politique total : une révolution basée sur une écologie du vivant à la fois antispéciste et anticapitaliste.

Contrairement à certains partis ou courants de pensée, la REV ne compartimente pas défense du vivant, antispécisme et questions sociales et sociétales. Le sentientisme que nous revendiquons résonne bien au-delà de l’antispécisme. Nous nous inspirons de pensées diverses pour nourrir un programme de progrès social radical.

Notre considération pour les animaux non humains sentients nous mène, à la REV, à revendiquer l'abolition de l'exploitation animale d'une part et la définition de droits fondamentaux pour tous les sentients d'autre part (droit de ne pas être tué, torturé, enfermé arbitrairement ou vendu). 

Il s'agit simplement d'une extension logique des droits humains pour une cohabitation pacifiée avec tous les animaux. Ceux qui continueront à vivre avec nous comme ceux dont la trajectoire de vie s'éloigne des sociétés que nous formons. Nous nous inscrivons dans le mouvement sentientiste dans la mesure où nous militons pour diminuer la souffrance de tous les individus autant que possible et pour augmenter leur bonheur. Ce sentientisme s'incarne autant dans notre refus du spécisme que dans les mesures sociales de notre programme (abandon du P. I. B pour déterminer la santé de nos sociétés au profit d'indicateurs cherchant à mesurer le bien-être des communautés humano-animales, revenu universel pour les humains, partage du temps de travail, instauration d'une société du temps libéré, liberté de circuler dans entrave pour les personnes, etc.). Ce sentientisme nous invite à trouver le juste équilibre entre usage de la nature (et non exploitation), coopération (symbiose), progrès technique et progrès social et décroissance économique globale (tout un programme !). 

Ce faisant, nous allons évidemment beaucoup plus loin que les sentientistes exclusifs cités plus haut. Ceux-ci rencontrent un écho non négligeable au sein de la communauté militante animaliste; au point que certain.es n'hésitent pas à défendre une autonomie complète de la lutte animaliste, voire une adéquation entre cette cause des animaux sentients et le libéralisme économique (11). Après tout, il existe bien un féminisme libéral ou un antiracisme libéral. Pourquoi pas un antispécisme ou sentientisme libéral ? 

Avec cette alliance baroque, ces combats passent de luttes sociales à luttes sociétales car elles ne se jouent plus qu'à l'échelle des individus et non plus des collectifs. Or, l'écologie ne peut se contenter de revendications purement individualistes. Elle est essentielle, cette échelle de l'épanouissement individuel, cette quête du bonheur personnel, mais elle ne se suffit pas à elle-même. Et nous pensons d'ailleurs qu'elle ne peut se réaliser pleinement dans une société libérale. Ce serait laisser beaucoup trop de monde sur le carreau ou sous le plafond de verre. Le capitalisme a beau afficher de belles couleurs à travers les phénomènes de greenwashing, socialwashing, pinkwashing ou encore welfarisme, il ne nous semble définitivement pas propre à abriter un projet d'émancipation individuel et collectif digne de ce nom même avec la meilleure volonté du monde. Cela ne signifie pas que tous nos maux découlent de ce système économique amoral (qui ne reconnaît pas de morale) ni que toutes les oppressions prendront fin une fois cette citadelle abattue mais il ne nous est pas permis d'ignorer non plus l'effet d'accélération et d'intensification des dominations, aliénations et oppressions sociales et écologiques qu'il implique et ce malgré certains bienfaits que nous avons pu en tirer, en tant qu'occidentaux·ales, en termes de confort et de recul direct de la mortalité. 

C'est un présupposé que nous partageons avec nombre de penseur·euse·s du vivant qui tentent de faire la jonction entre l'héritage de Latour et Descola (la "galaxie du vivant" en gros), les luttes sociales qui prennent en compte l'échelle individuelle et collective et la revendication antispéciste de libération animale. Par ailleurs, ces penseur·euse·s du vivant dont le travail nous inspire davantage que les seul·e·s héritier·e·s de Latour critiquent le manque de considération de la "galaxie du vivant" pour les luttes sociales (12) comme l'indifférence des auteurs marxistes traditionnels pour l'agentivité spécifique des autres qu'humains (13). Ces auteur·ice·s qui nous inspirent se nomment Fatima Ouassak, Roméo Bondon, Sue Donaldson, Will Kymlicka, Fahim Amir, Aph Ko, Syl Ko, Myriam Bahaffou, Cy Lecerf Maulpoix, Malcom Ferdinand, Kaoutar Harchi, Ghassan Hage, Léna Balaud, Antoine Chopot, Achille Mbembe, Carole J. Adams, Émilie Hache, Virginie Maris, Vipulan Puvaneswaran, Shams Bougafer, Clara Damion, Aurélien Barrau ou encore Jean-Marc Gancille (14) et, bien sûr, Aymeric Caron. La liste n'est évidemment pas exhaustive et il ne s'agit pas non plus de mettre toustes ces intellectuel·le·s dans le même panier. Reste que l'écologie politique que nous voulons représenter sur la scène politique institutionnelle sait aussi porter un regard critique sur ses propres valeurs et les mettre en débat afin de définir collectivement la meilleure convergence possible. S'unir ou subir comme dirait notre porte-parole Azelma Sigaux…

D'après Aurélien Barrau (cauchemar des antispécistes libéraux), il s'agit d'appréhender les défis des bouleversements écologiques et sociaux selon le double prisme de l'individu et de l'espèce. L'un complète l'autre comme les écosystèmes sont la synthèse des intérêts des vivants qui les composent, les habitent et les façonnent dans des agencements divers et variés dont il ne nous appartient pas de fixer immédiatement et définitivement la valeur pour tous les êtres. Dans ce cas, les égards ajustés définis par Morizot sont une piste intéressante, fondamentale même pour peu qu'on y ajoute une forte dose de sentientisme et d'anticapitalisme. Après tout, le sentientisme implique déjà des égards ajustés. L'égalité de considération que nous revendiquons n'est pas l'égalité de traitement (personne ne songe à accorder le droit de vote aux poules) et les droits doivent être différenciés selon les réponses que les animaux non-humains nous font eux-mêmes. Il en va de même pour les autres vivants. Il ne s'agit pas non plus de nous opposer frontalement au monde paysan mais de trouver la voie d'un dialogue fécond sur la question animale. Compagnonnage plutôt qu'exploitation.

La révolution des mentalités en cours est néanmoins propice à souligner l'urgence d'agir politiquement et collectivement, de tisser des alliances plus qu'humaines, sans attendre que la science statue sur la sentience de telle ou telle entité. C'est pragmatique.

Il y a bien une crise de la sensibilité plus globale que les sentientistes exclusifs, pris dans l'impasse de leur mépris analytique, ne sont pas en mesure d'expérimenter. Après tout, nous ne serions pas là selon certain·e·s pour défendre les arbres et les pâquerettes (mépris analytique disons-nous). Sentient tu gagnes, non-sentient, tu ne perds même pas car tu n'as pas d'intérêt… Or, c'est le vivant dans son ensemble qui définit des "espaces de sens" (15), un monde désirable et riche en significations. Comment expliquer autrement que des militant.e.s soient prêt.es à mourir pour protester contre l'abattage d'arbres et s'opposer à un projet autoroutier anachronique et écocidaire (l'A69 pour le nommer) ? Et les vivants non-humains luttent avec nous. Les résistances non-humaines à l'aliénation et à la mise au travail sont nombreuses et nous commençons seulement à nous en apercevoir ! 


En ce qui nous concerne, à la REV, notre soutien moral va autant aux vivant.es en lutte, aux victimes et résistant.es des oppressions sociales et des désastres écologiques, aux associations et collectifs de lutte pour les droits des animaux autres qu'humains (L214, One Voice, PAZ, la Fondation BB, 269 Life, Anonymous for the Voiceless, Animal 1st, Animal Rebellion,… ) qu'aux associations et collectifs de défense des vivants (Sea Shepherd Origins, le Groupe National de Surveillance des Arbres, Extinction Rebellion, les Soulèvements De la Terre, l'ASPAS, Globice, Wild Legal,...) et qu'aux collectifs et associations de lutte en faveur des droits humains et sociaux pour toustes (Amnesty International, Human Rights Watch, la LDH, S.O.S Mediterranée, Utopia 56, le Collectif Justice pour Adama, les Gilets Jaunes, Nous Toutes, le Front de mères, Nos services publics, ATD Quart Monde, syndicats progressistes,...).

Notre projet politique est à la fois sensible et rationnel, social, moral et esthétique.




(1) Auteur notamment de l'article "Faut-il sauver la gazelle du Lion ?" dans La Révolution antispéciste et des essais La Révolution végétarienne, Les véganes au pouvoir et dernièrement Faut-il sauver l'ours blanc, essai sur la transformation de la nature.

(2) Le terme sentient s'applique à tous les êtres qui peuvent ressentir, en tant qu'individus, des expériences positives ou négatives. Il est plus précis que sensible. Un arbre est sensible sans être sentient par exemple (dans l'état actuel de nos connaissances). Selon les biologistes et éthologues, nous pouvons affirmer aujourd'hui qu'une majorité d'animaux est sentient (au même titre que les humains) à des degrés divers.

(3) Créateur du podcast Comme un poisson dans l'eau (chaudement recommandé). 

(4) Auteur de Les Diplomates, cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Manières d'être vivant, Raviver les braises du vivant, L'inexploré.

(5) Autrice notamment d'Autobiographie d'un poulpe et autres récits d'anticipation, Que diraient les animaux si on leur posait les bonnes questions ? et de Vivre en oiseau.

(6)  Le philosophe et résistant est l'une de nos figures tutélaires à la REV. Il fait partie de ceux qui ont revendiqué la reconnaissance d'une valeur intrinsèque pour les vivants non-humains.

(7) Les peuples humains autochtones qui s'organisent politiquement sans Etat font ainsi figure de sauvages dans nombre de récits coloniaux (les peuples amérindiens, les Aborigènes d'Australie, les Inuits, les Samis, et bien d'autres).

(8) Éthiques environnementales qui accordent respectivement une valeur intrinsèque aux vivants (biocentrisme) et aux écosystèmes (écocentrisme).

(9) Voir Apologie du carnivore de l'éthologue Dominique Lestel ou Cause animale, cause du capital de la sociologue Jocelyne Porcher notamment, toustes deux pourtant très critiques de l'élevage industriel au même titre que les penseur.euses de la galaxie du vivant.

(10) Nous retenons particulièrement ces noms car leurs argumentaires ont été particulièrement bien explicités dans l'ouvrage La Révolution antispéciste, paru aux Presses Universitaires de France en 2020.

(11) Le pire cauchemar de Jocelyne Porcher se nomme Thomas Lepeltier (et réciproquement sans doute).

(12) Il n'est pas anodin que Vinciane Despret et Bruno Latour aient soutenu la candidature de Yannick Jadot à la présidentielle française de 2022. Cet engagement n'enlève rien à la pertinence de certaines de leurs analyses mais il en pointe les limites, concernant les classes géo-sociales qui devraient remplacer, pour Latour, les classes sociales traditionnelles notamment.

(13) Le philosophe et économiste communiste Frédéric Lordon a d'ailleurs signé un billet de blog éloquent dans lequel il s'en prend à toutes les pensées du non-humain : "Pleurnicher le vivant". Il leur reproche notamment l'invisibilisation des luttes anticapitalistes et  un rapport uniquement sensible et esthétique à la politique. Lordon est loin d'être seul dans ce cas et sa critique n'est pas sans rappeler celles des sentientistes exclusifs.

(14) Jean-Marc Gancille siège au Conseil d'administration de la REV. Aymeric Caron est député REV à l'Assemblée nationale.

(15) Nous empruntons le concept à Lena Balaud et Antoine Chopot. 


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