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Par Carine Sandon et Grégory Perche, référents REV en Bourgogne-Franche-Comté. 

Tribune publiée dans Le Monde le 27/04/2024.


Le 10 mars dernier, des actes barbares ont été commis à l’encontre d’une vingtaine de renards sur la commune de Fort-du-Plasne. Le louvetier suspecté vient de reconnaître les faits : il sera jugé en mai prochain. Cette atrocité, découverte par un promeneur, est choquante. Mais au-delà de l’émotion qu’elle suscite auprès des défenseurs du vivant, ces faits mettent en lumière la situation des renards en France.

Le renard, animal gracieux et discret de nos prairies, est le gardien des écosystèmes et joue un rôle crucial dans le maintien de la biodiversité. Sa présence permet de réguler les populations de micromammifères (1) et évite ainsi la prolifération de maladies. La chasse vient donc compromettre cet équilibre fragile. 

Toutefois, malgré un consensus scientifique sur l’inutilité de la chasse au renard dans notre pays et son interdiction chez plusieurs de nos voisins (Luxembourg, Canton de Genève en Suisse), le gouvernement méprise les revendications des associations de protection de la nature et les avis scientifiques et autorise des pratiques de chasse immondes.

En outre, le renard souffre de préjugés et reste perçu comme tueur de gibier, voleur de poules ou encore vecteur de maladies, telles que la rage (2) ou l’échinococcose. C’est la raison pour laquelle le renard est considéré comme ESOD (Espèce susceptible d’occasionner des dégâts)  en France et ce, sans aucun fondement scientifique.

À ce titre, plus de 600 000 individus sont tués chaque année dans notre pays car le tir, le piégeage et la mise à mort des renards sont des pratiques courantes et totalement légales. Plusieurs arguments sont avancés pour justifier une chasse sur cette espèce presque 365 jours par an (du 1er juin au 31 mars, sans parler de certaines pratiques barbares quotidiennes telle que la vénerie sous terre ou encore la pratique des primes à la queue) comme la protection de la faune et de la flore, la prévention des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles, ou encore la santé publique.

Tout ceci n'est que prétexte pour protéger bien souvent du gibier d'élevage relâché dans la nature par les chasseurs et qui est inadapté à la vie sauvage et donc aux prédateurs.

Autre argument plus important, mais là aussi totalement erroné : le renard favoriserait la propagation de l’échinococcose alvéolaire (3). Il a pourtant été prouvé par une étude scientifique que la destruction des renards était inutile pour lutter contre cette maladie et que cela favoriserait même sa progression (4). En réalité, les solutions efficaces sont simples et à la portée de toutes et tous : vermifuger ses animaux domestiques et ne pas manipuler de cadavres ni de crottes de renards. 

Quant aux arguments absurdes de surpopulation des renards en cas d’arrêt de la chasse, une observation des faits chez nos voisins helvètes suffit à les mettre en déroute. La chasse aux renards a été interdite dans le canton de Genève depuis 1974 et à ce jour, aucune invasion de renards n’est à signaler, idem au Luxembourg.

Enfin, il devient nécessaire de condamner fermement les agriculteurs qui continuent d'utiliser, parfois illégalement, toute forme de produits chimiques pour lutter contre les micromammifères. En mangeant leurs proies qui ont ingéré ce produit, les renards, mais aussi les rapaces, les fouines, etc... sont intoxiqués et meurent dans d’atroces souffrances. À ce titre, la LPO avait déjà porté plainte auprès de la Commission européenne contre la France en 2012, pour non-respect de la Directive Oiseau dans le cadre d’empoisonnement de milans royaux. 

Il est temps d'agir. Le gouvernement français doit prendre des mesures fermes pour mettre fin à la chasse au renard. Des alternatives existent, telles que la mise en place de programmes de gestion des populations de renards basés sur la cohabitation pacifique avec les humains. En Franche-Comté, le collectif Renard Doubs et le projet CARELI (5) ont permis de protéger le renard sur plus de 180 communes et d’obtenir le soutien de plus de 245 exploitations agricoles. 

De même, l'éducation et la sensibilisation du public sur le rôle essentiel des renards, le respect des êtres vivants sensibles dans la nature sont également primordiaux pour changer les mentalités et promouvoir la coexistence harmonieuse avec la faune sauvage. 

Nous encourageons chaque citoyen et citoyenne à se mobiliser contre de telles pratiques en interpellant les élus locaux et en sensibilisant la communauté. Nous avons tous et toutes un rôle à jouer dans la préservation de la nature et de la biodiversité, dont nous dépendons

Il est urgent de retirer le renard de la liste ESOD et de mettre un terme à la chasse aux renards sur notre territoire.



(1) Le nombre de micromammifères consommés par les renards est délicat à estimer mais, généralement, les valeurs citées varient entre 6000 et 10 000 petits rongeurs par an par renard.
(2) La rage vulpine ayant disparu en France depuis 2001 suite à des campagnes de vaccination.
(3) Zoonose parasitaire liée à une infestation par la larve d'un cestode ; elle représente environ 30 cas par an. Cette zoonose peut également être transmise par nos chiens et chats domestiques.
(4) Au Luxembourg où le renard est protégé depuis 2015, le suivi de la population de goupil depuis sa protection a mis en évidence que le taux d'infection des renards par le ténia responsable de l’échinococcose alvéolaire a diminué de 40% à 25% depuis l'interdiction de la chasse.
(5) https://www.arb-bfc.fr/non-classe/projet-careli/

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