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Communiqué, par Azelma Sigaux et Victor Pailhac, coordinateurs nationaux de la REV 


Le 24 septembre à Longueil-Annel, près de Compiègne dans l’Oise, avait lieu le tout premier rassemblement d’opposition au projet du canal Seine-Nord Europe (CSNE). Le lieu choisi est celui d’une étape initiale des travaux qui consisterait à reboucher un bras de la vieille Oise, détruisant ainsi un îlot de biodiversité, afin de faire de la place pour la construction fluviale.

À notre grande surprise, nous, la Révolution Écologique pour le Vivant (REV), étions la seule formation politique présente en tant que telle localement. De la même manière,  nous sommes les seuls à avoir exprimé publiquement notre opposition lors de la récente relance du projet de grand canal, pourtant reconnu par des collectifs écologistes comme LE sujet écocidaire de la décennie. Cette infrastructure de liaison fluviale s’avère être une catastrophe pour la biodiversité, mais aussi pour les finances publiques et la sécurité des riverains.

107 km de destruction du vivant à l'horizon 2030

Le canal Seine-Nord Europe, financé en grande partie par l’Europe, ainsi que par l’État et les collectivités territoriales, est dans les tuyaux depuis les années 1980 et appartient à un modèle économique révolu, déconnecté des réalités climatiques et écologiques actuelles. La première phase des 4 prévues pour 2030 a finalement été enclenchée, grâce à l’autorisation environnementale accordée par un arrêté de la préfète de l’Oise. In fine, ce sont 4 départements qui seront concernés par la construction de ce canal de liaison fluviale (l’Oise, la Somme, le Pas-de-Calais et le Nord). Cet immense tronçon d’eau, censé améliorer la compétitivité et l’emploi en créant un lien économique entre le Bassin parisien et les ports du nord de l’Europe, est présenté comme relevant d’une raison impérative d’intérêt public majeur. Or en réalité, les conséquences pour le vivant, et donc pour l’intérêt public, s’annoncent gravissimes.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : s'il aboutit, le canal aura une emprise d'au moins 3 000 ha et exigera le déblaiement/remblaiement de 77 millions de m3 de terres, la construction de 7 écluses et de 70 ponts routiers, ferroviaires et fluviaux, 3 ponts-canaux dont un de 1,3 km, un réservoir d'eau de 14 millions de m3 (20 fois la mégabassine de Ste-Soline dans le Poitou), 4 ports intérieurs, 2 ports de plaisance, des chemins de service dont une berge asphaltée de 3 m de large, et bien d'autres destructions écologiques.

Les avis délibérés de l'Autorité environnementale (AE) datant de décembre 2019 ¹ (pour le secteur 1) et de novembre 2022 (pour les secteurs 2 à 4)² indiquent que le site comprend des corridors biologiques, dont d’importants massifs forestiers, mais aussi de nombreuses zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, diverses zones humides, des marais et des étangs. Le canal SNE se trouvera à moins de 20 km de 5 zones de protection spéciale (ZPS) et de 10 zones spéciales de conservation (ZSC) Natura 2000, et concernera les lieux d’habitation et/ou de reproduction d’une multitude d’espèces animales et végétales, dont près de 170 sont protégées.

Comment peut-on sérieusement, en tant que responsable politique, se placer en défenseur de l’environnement et, dans le même temps, se rendre complice d’un tel écocide ?

Des mensonges et des imprécisions

Le projet est présenté comme une avancée majeure sur le plan économique et écologique. Son argument majeur est qu'il désengogerait l'autoroute A1, en remplaçant par des bateaux les camions qui descendent vers l'Ile-de-France en provenance des ports belges et néerlandais. Mais cet argument est fallacieux. Selon le Comité de liaison pour des alternatives aux canaux interbassins (CLAC), seule une part minime des 50 millions de tonnes (par an) de marchandises concernées est "fluvialisable" ³.

Beaucoup plus de marchandises pourraient prendre le train, si l'on arrêtait de favoriser la route au détriment du fer, dont l'infrastructure existe et est en cours de modernisation. Quant à vouloir utiliser le transport fluvial, c'est un souhait écologiquement louable. Mais Le Havre, et non Anvers en Belgique, doit être le point d'entrée principal des marchandises franciliennes. Et la Seine, dont la modernisation se poursuit, est capable de transporter quatre fois plus de marchandises qu'aujourd'hui.

De plus, la hauteur des ponts sur la Seine permet le transport efficace de conteneurs empilés sur les bateaux porte-conteneurs. Le projet CSNE prévoit la construction de ponts qui sont eux aussi assez hauts pour le passage des porte-conteneurs. Mais l'un des plus gros mensonges du projet est le suivant : au nord et au sud des 107 km de canal, il y a 176 ponts trop bas pour le passage des porte-conteneurs, alors que la reconstruction de ces ponts (que l’on peut évaluer à plus de 2 milliards d’euros) n'est pas prévue dans le projet !

Par ailleurs, l’AE note l’absence d’études sur le devenir des nappes phréatiques situées sur le tracé du canal. Les avis délibérés alertent également sur l’absence de précisions concernant les risques d’effondrement de cavités souterraines à proximité du chantier, ainsi que sur des risques technologiques liés à la présence d’engins de guerre explosifs, incendiaires et toxiques.

Face aux profiteurs de l’écocide, unissons-nous !

Le projet, qui semble difficilement tenable sur le plan économique, va de toute façon engendrer des dégâts colossaux sur les ressources naturelles et le vivant. Parallèlement, le CSNE constitue un danger pour la sécurité des riverains et coûte des milliards d’euros aux collectivités et à l’État. Pourtant, il est défendu par certain·e·s élu·e·s, avec à leur tête Xavier Bertrand. Les travaux sont également ardemment soutenus par les promoteurs du BTP et les chambres du commerce. La plupart des élu·e·s contacté·e·s par les collectifs opposés au CSNE n’ont pas voulu s’exprimer sur le sujet. D’autres ont carrément décidé de soutenir le projet. C’est le cas de Karima Delli, députée européenne et membre d’EELV, qui n’a pas hésité à retourner sa veste lors des élections régionales de 2021 sous la pression de ses colistiers socialistes. Elle qui s’était logiquement opposée au CSNE quelques années auparavant en respectant l'opposition de son parti affirmée en 2014⁴ a déclaré en 2021 : “Le canal Seine-Nord se fera"⁵.

En tant que parti d’écologie radicale, antispéciste et anticapitaliste, nous en appelons aux responsabilités des élu·e·s et organisations politiques se revendiquant de l’écologie, qui au mieux restent silencieux·ses, au pire soutiennent ce projet mortifère. Où sont donc passées leurs convictions ? Leurs ambitions électoralistes seraient-elles devenues plus importantes que la protection du vivant ? Il est de leur devoir, en tant que représentant·e·s du peuple, de rejoindre officiellement la lutte contre le canal SNE, aux côtés de la REV et des collectifs et militant·e·s écologistes.


Azelma Sigaux et Victor Pailhac, coordinateurs de la REV



¹ https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/191218_csne_dae_secteur_1_delibere_cle56a54c.pdf

² https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/221110_csne_secteurs2a4_delibere_cle7c177e.pdf

³ https://www.clac-info.fr/?q=node/208

https://transports-territoires.eelv.fr/files/2023/03/Seine_Nord_CF20140440506.pdf

https://www.francebleu.fr/infos/politique/regionales-nous-sommes-la-seule-liste-a-plein-temps-pour-les-hauts-de-france-affirme-karima-delli-1623824019

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