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Par Jordan Bidault, militant de Nouvelle-Aquitaine

La démocratie est morte, vive la démocratie ! L’histoire de la Vème République est pleine de moments qui nous font questionner la santé de notre régime politique. Aucun pourtant n’a semblé aussi amer que celui que nous vivons depuis le 7 juillet 2024.

Après des élections européennes catastrophiques, portant un parti néo-fasciste en tête des votes en France, notre bon Président Jupitérien a décidé qu’il était bon de rappeler les Français aux urnes. Branle-bas de combat pour la République ! Nos concitoyen·es avaient déjà prouvé qu’ils et elles étaient nombreu·ses à s’être laissés charmer par les discours sécuritaires et xénophobes de l’extrême-droite. Nous ne pouvions pas laisser passer ça sans combattre.

La campagne fut courte, mais après les efforts exceptionnels des militant·es partout en France, nous avons réussi à porter le Nouveau Front Populaire (NFP, l’alliance des partis de gauche) en tête avec 184 député·es, loin devant le Rassemblement National (RN, le principal parti d’extrême-droite) et ses alliés Ciottistes.

La gauche républicaine, soutenue par des organisations allant du NPA au Parti Pirate, a donc obtenu une majorité relative, certes fragile, mais indéniable. Comment alors expliquer que le Président Macron, qui n’a cessé de répéter que la légitimité des urnes était inaliénable durant son coup de force de la réforme des retraites, refuse de nommer Lucie Castet, pourtant unanimement désignée par le NFP, première ministre ?

Le mépris des institutions, évidemment, doublé d’une hypocrisie crasse qui pourtant ne semble pas déranger les chiens de garde du système qui se bouscule sur les plateaux TV pour expliquer à quel point ce comportement est intelligent et rationnel. Ces mêmes chiens de garde qui sont prompts à cracher sur tous les mouvements sociaux, sous prétexte que la démocratie se joue dans les urnes et nulle part ailleurs.

Cette séquence médiatique est enfin la preuve définitive de ce que nombre avait déjà compris : la gauche tombe dans le piège de la Méthodisation de la démocratie, un concept que nous allons développer afin de comprendre comment s’en débarrasser.

Ce n’est un secret pour personne que la gauche, lorsqu’elle a eu la brève chance d’expérimenter le pouvoir politique, elle nous a offert des avancées majeures avant de retomber dans tous les vices du capitalisme. Citons comme exemples François Mitterand qui a aboli la peine de mort avant d’ouvrir l’ORTF à la concurrence, Lionel Jospin qui a réduit le temps hebdomadaire de travail à 35h puis a procédé à des privatisations majeures et enfin François Hollande, qui a permis le marriage pour les personnes de même sexe tout en donnant des gages sécuritaires majeurs à la droite.

Ces exemples sont parfois interprétés (notamment par des mouvements Trotskystes) comme la preuve que la gauche “traditionnelle” serait tout aussi vendue à la grande bourgeoisie que la droite. Il serait cependant malhonnête d’affirmer que toutes les personnalités de gauche sont en réalité de fieffés entristes à la solde du capital.

La véritable raison de cette déception permanente est aussi triste qu’elle est essentielle à comprendre pour la corriger : Nous sommes trop attaché·es à la démocratie et cette posture nous place dans un désavantage permanent.

Comprenez : la démocratie est à la fois une société, c’est-à-dire un état dans lequel les décisions sont prises par un peuple souverain, éduqué et conscient des limites de son propre pouvoir, et une méthode.

Cette méthode étant généralement ce à quoi on pense en en entendant le nom. Elle consiste en l’organisation de votes, en la consultation régulière des citoyens et en la prise de décision basée sur leur volonté. Dans le monde parfait des idées, l’application de la méthode démocratique devrait donc nécessairement permettre la naissance de la société démocratique.

Or, la vérité se trouve dans l’exacte inverse de cette intuition. Tant que nous n’aurons pas établie une société démocratique, alors le vote, aussi unanime soit-il, ne sera pas plus sage qu’un sondage d’opinion. Il faut nous demander si la voix des citoyen·nes est basée sur un raisonnement logique, quitte à ce que celui-ci soit teinté d’opinions subjectifs, ou s’il est biaisé, corrompu par les paroles et les idées de personnalités médiatiques piquées de motifs ultérieurs.

On comprend alors vite comment certains médias politisés, détenus par des organisations et personnalités au service d’un projet de société mauribond, peuvent corrompre cet objectif. 

L’extrême-droite joue avec la démocratie. Elle se sert de ses codes pour obtenir le pouvoir et le retirer à ses adversaires. Elle pointe et met en lumière les moindres failles de la gauche tout en se targuant bien de respecter ces mêmes règles.

L’extrême-droite n’accorde aucune valeur à la démocratie et aux droits humains. Pourtant, nous sommes touché·es par ces sujets, et nos adversaires le savent. Ils démolissent les fondements même de notre société car ils savent très bien que nous n’oserons pas les combattre, tant qu’ils respectent les règles. Quand bien-même ils s’en affranchiraient complètement, en laissant la police tuer en toute impunité et en la faisant juger par leurs propres collègues par exemple, ils savent que nous ne serons jamais assez réactifs pour les arrêter, car les processus légaux sont longs et complexes…

Revenons-en donc à notre cher Président. La bourgeoisie ne voit l’état de droit que comme un catalyste qui légitime son pouvoir et son mode de vie, il ne faut donc pas s’étonner qu’elle combatte bec et ongles toute tentative de réformer ce système, puisque cela déstabiliserait sa fragile conception d’un monde dans lequel sa place naturelle est au sommet.

Elle n’a en revanche aucun problème à s’associer (voir à se vendre !) au fascisme et à l’autoritarisme. L’économie capitaliste tient sur un rapport de domination d’une infime minorité sur le reste du monde vivant. Il n’est donc que logique que, lorsque les temps changent, elle préfère toujours s’allier à l’ordre fasciste plutôt qu’au chaos démocratique.

Grâce à cette nouvelle grille de lecture, il est facile de comprendre pourquoi Emmanuel Macron a accepté de prostituer la France à l’extrême-droite et s’est renfrogné lorsqu’il a réalisé que la gauche pouvait également le battre à son propre jeu.

Combien de temps alors, durera cette situation ? Alors que les écologistes sont peint·es en écoterroristes, les gauches en dangereux extrêmes et que même les rares représentant·es de la droite républicaine sont qualifiés de “wokistes” ou d’anti-français, le vocabulaire coutumier des heures les plus sombres de notre histoire est maintenant banal.

Il nous faut reprendre le contrôle sur le cours de notre histoire. La justice ne pourra pas être obtenue par la seule voie des urnes. Notre seule solution pour que la violence ne soit pas inévitable est de remettre la solidarité et la communauté au centre du débat public.

Les syndicats s’affaiblissent en tombant dans le légalisme, n’agissant que trop peu en dehors des cadres imposés par le système, revitalisons-les ! Les partis politiques sont trop verticaux et soumis aux aléas de la vie politique nationale, réformons-les de l’intérieur ! Les associations manquent de bénévoles, les ONG agissent sur le territoire français, nos camarades ont besoin de soutien, organisons-nous !

    Aucun humain providentiel ne viendra nous délivrer alors sortons des cadres, imposons la société que nous désirons en commençant par notre propre voisinage. Détachons-nous des valeurs creuses et de la bonne conscience qu’elles nous donnent. Faisons !

Sources et inspirations :

https://www.unesco.org/fr/days/democracy

https://www.youtube.com/watch?v=MAbab8aP4_A

https://www.mitterrand.org/Le-coup-d-Etat-permanent-465.html

https://metahodos.fr/2024/06/30/le-paradoxe-de-la-tolerance-ou-les-limites-de-la-democratie-selon-karl-popper-3/

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