
Duplomb contre le vivant, de l’or pour les industriels
Le 24/02/25
Par Azelma Sigaux, oratrice nationale de la Révolution Écologique pour le Vivant (REV).
Alors que la science, l’économie, la santé et le progrès moral invitent d’une même voix à une révolution écologique de l’agriculture, certains élus préfèrent visiblement aller à contresens de l’histoire et du bon sens. C’est le cas de Laurent Duplomb et de Franck Menonville, sénateurs de Haute-Loire et de la Meuse, dont une proposition de loi criminelle a été votée au Sénat le 27 janvier dernier. Loin d’assumer les conséquences mortifères d’un tel projet, les deux élus ont choisi de mentir aux parlementaires, aux électeurs et aux paysans en présentant leur idée comme une avancée. Car au lieu de “lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur”, comme le promet le titre de la proposition de loi, cette dernière vise en réalité à faciliter la vie des industriels, accélérant au passage la mort des petits paysans et le massacre du vivant.
Cet événement politique, au-delà de poser question sur l’avenir de l’écologie et de l’agriculture, est également une énième occasion d’observer la vision anthropocentrée et spéciste de certains opposants au texte.
Néonicotinoïdes : la mort des apiculteurs, mais avant tout des abeilles
La proposition de loi délirante n’est pas passée inaperçue. Et pour cause : il s’agit notamment de réautoriser plusieurs molécules néonicotinoïdes, produits tueurs d’abeilles qui avaient fini par être interdits dans toute l’Europe pour des raisons scientifiques, n’en déplaise à M. Duplomb qui juge toujours cette interdiction comme du « dogmatisme politique » (1). Entre communiqués de la Confédération Paysanne et articles de presse, diverses voix se sont élevées à juste titre pour dénoncer la prise de position anti-science des deux élus. La cause première de l’indignation générale est la mise à mal des apiculteurs, faute d’abeilles. La perte de ces insectes, premières victimes des néonicotinoïdes, préoccupe aussi l’opinion parce qu’elles pollinisent près de 70 % de ce que les humains mangent (2).
Mais qui s’insurge de la proposition de loi Duplomb-Menonville pour ses effets dévastateurs sur les abeilles elles-mêmes ? Personne ou presque. Le sort des abeilles et leur droit à vivre devraient nous intéresser au-delà de l’intérêt que ces êtres sensibles représentent pour nous, les humains. Il en devrait être de même pour les autres animaux. Malheureusement, la grande majorité des commentateurs, y compris les écologistes, ont une vision anthropocentrée, utilitariste et spéciste : ils voient les animaux sauvages et d’élevage comme des outils à notre disposition. Comme des marchandises créées pour nous nourrir, nous vêtir ou encore nous divertir.
Ce constat m’afflige de la même manière que les commentaires en période de sécheresse : lorsque les poissons viennent à manquer dans les rivières, les politiques, journalistes et experts invités dans les médias nous alertent non pas sur l’extinction d’êtres vivants, mais sur l’impossibilité de les pêcher ou de les consommer. La mort des poissons, et donc leur existence en tant que telle, ne suscite l’émotion de personne, sauf quand elle impacte nos propres besoins ou pire, nos activités de loisirs. De mon côté, en tant que membre d’un parti antispéciste, la REV, si la désertification des rivières, des mers et des océans m’inquiète, et si en l'occurrence le projet Duplomb-Menonville m’alarme, c’est d’abord pour les victimes directes. C’est avant tout pour la valeur intrinsèque du vivant.
Concernant ce texte de loi, ce vivant concerne donc les abeilles, mais pas uniquement.
Un projet écocide promu par deux lobbyistes de l’agro-industrie
Laurent Duplomb, ancien président FNSEA de la Chambre d’agriculture de Haute-Loire, ex-président des Jeunes Agriculteurs de la Haute-Loire, ancien président régional du groupe laitier Sodiaal et ancien membre du comité de surveillance de Candia, et Franck Menonville, ex-vice-président de la FNSEA de la Meuse, comptent bien poursuivre leur carrière de lobbyistes de l’agro-industrie au Sénat. Ainsi, leur texte ne s’arrête évidemment pas à la seule réautorisation des pesticides tueurs d’abeilles, dont la toxicité est d’ailleurs remise en question sans aucune honte par l’élu altiligérien (3). Dans les différents articles qui la constituent, la proposition de loi promeut également l’élevage intensif et les mégabassines, s’attaquant au passage aux zones humides, véritables trésors de biodiversité (4). En relevant les seuils au-delà desquels un élevage, selon sa taille, doit faire l’objet d’une autorisation environnementale, Duplomb et Menonville encensent ainsi la construction de nouvelles fermes-usines, niant la condition animale et défendant l’augmentation de la consommation de viande, contre l’avis de la communauté scientifique et des recommandations écologiques et économiques des experts du monde entier. Les sénateurs qui ont voté le texte en première lecture et les députés qui s’apprêtent à l’approuver à l’Assemblée nationale ont littéralement du sang sur les mains, et pas seulement celui des animaux non humains.
Une cible dans le dos des petits paysans
Dès lors qu’ils défendent l’agro-industrie, comment les auteurs du texte peuvent-ils prétendre vouloir simplifier la vie des agriculteurs ? En effet, non seulement ce projet, s’il était adopté dans les prochaines semaines, empirerait le désastre écologique et le massacre des animaux, mais il augmenterait en plus la misère des petits agriculteurs et en accélérerait la disparition. Car en déroulant le tapis rouge aux grands industriels du secteur, la loi Duplomb-Menonville plombe définitivement la profession paysanne.
Il est donc de la responsabilité des politiques, mais aussi des journalistes et des associations, d’informer les premiers concernés sur les réels enjeux d’un tel texte et de révéler les intérêts et les mensonges de ses auteurs. Non, Laurent Duplomb et Franck Menonville ne veulent pas aider les agriculteurs. Leurs mesures profiteraient uniquement aux grandes industries écocidaires de ce pays. Et alors que tout démontre qu’une révolution écologique, végétale et éthique de l’agriculture est nécessaire pour défendre le vivant et cesser l’hémorragie en cours, défendre un tel projet politique serait non seulement immoral, mais criminel. Chers parlementaires prêts à prendre position sur cette proposition de loi, prenez votre courage à deux mains et servez l’intérêt général par un rejet ferme et définitif.
- (1) https://www.zoomdici.fr/actualite/laurent-duplomb-repond-ceux-qui-menacent-sa-permanence
- (2) https://www.vigienature.fr/fr/blog/insectes/vous-avez-dit-crise-de-la-pollinisation
- (3) https://www.zoomdici.fr/actualite/quand-la-science-contredit-les-propos-de-laurent-duplomb
- (4) https://fne.asso.fr/actualites/proposition-de-loi-duplomb-toxique-pour-l-agriculture-l-environnement-et-la-sante
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