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Par Jordan Bidault, militant de Nouvelle-Aquitaine

“Nous mangeons les enfants du Sahel par notre surconsommation de viande”. Voilà ce que disait René Dumont dans son fameux ouvrage L’utopie ou la mort, 1974. Certes provocatrice, cette pensée ne saurait être vue comme une simple punchline. Dumont lui-même développe très efficacement ce raisonnement indéniable : “Il y a actuellement assez de protéines pour tous les enfants qui naissent à travers le monde. Mais une bonne part de ces protéines est donnée au bétail de nos pays riches [...] et il n’en reste plus assez pour les enfants. Et le drame est tel que, ils n’ont pas assez de protéines [...] pour assurer le développement normal de leur cerveau. Alors on est en train de fabriquer des millions d’enfants hébétés, sous-alimentés.”

Il serait facile de simplement se scandaliser et de hurler au mépris de classe d’un homme qui ne connaît que son confort et regarde avec condescendance les cultures qu’il ne comprend pas. Pourtant ce serait une erreur fatale de considérer Dumont comme un européen comme un autre. Ingénieur agronome, il a connu les deux Guerres Mondiales et voyagé à travers le monde pour apprendre, comprendre et accompagner les développements agricoles des pays du tiers-monde (un terme qu’il utilise d’ailleurs au sens premier, celui des pays non-alignés et colonisés) et en aura tiré des ouvrages fascinants qui lui auront souvent valu l’hostilité des dirigeants de certains pays africains, voyant en ses critiques un prolongement de l’impérialisme occidental.

    Prenons donc le temps de cet article pour transposer cette analyse à notre époque. Aujourd’hui, l’élevage représente 40% de la production agricole mondiale tout en ne fournissant que 25% des apports de protéines dans le monde. Il ne faut pas être mathématicien pour comprendre qu’il y a ici une disproportion immense entre ce qui est fait et ce qui serait légitime. Nous, occidentaux, avons tant de luxe et de confort à portée de main que notre classe politique relègue les questions internationales à la défense de nos intérêts économiques dans l’unique but de pouvoir gaspiller le plus possible.

    Alors pour cesser cette dégoûtante ascension vers l’ignominie, il n’existe que deux solutions : Un état fort, très fort même, et mondial si possible, qui serait chargé de distribuer les ressources alimentaires entre les territoires et les individus, un rationnement “pour la bonne cause” en somme, ou bien un changement complet de notre rapport à l’alimentation. Bien sûr, la première solution n’est pas envisageable au risque de passer de Charybde en Scylla, d’une aristocratie économique à une dictature oligarchique, deux systèmes dont plus personne ne veut. Alors concentrons-nous sur la deuxième :

Si aujourd’hui les matières premières alimentaires, céréales et légumineuses en tête, sont suffisamment nombreuses pour nourrir le monde alors servons-nous en pour nourrir le monde ! Des ressources considérables sont aujourd’hui investies dans des camps de concentration pour animaux sensibles dont la seule conséquence est la perte nette de nutriments. René Dumont avait bien compris que cet acharnement productiviste à mettre de la viande sur tous les étals était une névrose qui nous rendait directement responsables de millions de morts à travers le monde.

Ainsi, adopter une alimentation végétale à l’échelle de notre société serait tout aussi bénéfique pour les autres animaux qui éviteraient des traitements horribles, que pour nous humains qui n’aurions plus d’excuses pour laisser crever celles et ceux dont le seul péché est d’être nés trop loin de nous.

Bien qu’évidente, si cette transition n’est amorcée que timidement, et à l’échelle individuelle plutôt que sociétale, c’est bien sûr car le système capitaliste tout entier est fondé sur l’exploitation effrennée des ressources y compris de la vie elle-même. Dans un monde qui voit l’autre comme un ingrédient à son propre plaisir et l’existence comme une course contre la montre dont aucun instant ne peut être laissé à la contemplation, adopter une alimentation végétale est l’acte ultime de révolution personnelle.

Au-delà donc de son intemporelle pertinence, l’héritage et la pensée de René Dumont sont donc, aussi, l’apogée du Punk.


Sources et inspirations :

https://www.fao.org/world-food-day/fr/

https://www.youtube.com/watch?v=lG7oIHew8rU&t=28s 

https://www.unicef.fr/article/la-faim-persiste-depuis-trois-annees-consecutives-alors-que-les-crises-mondiales-saggravent/

https://www.youtube.com/watch?v=OzhIf7z3jG8&t=984s

https://www.la-viande.fr/environnement-ethique/atlas-elevage-herbivore/elevage-dans-monde-defis-diversite

https://www.fao.org/statistics/fr/

https://agriculture.gouv.fr/infographie-lelevage-francais

https://www.ufa.ch/fr/infos-techniques/alimentation-du-gros-betail



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