
La CJUE valide une demande de la communauté transgenre
Le 25/03/25
Article rédigé par Léa Saunier, militante transféministe et antispéciste, référente REV pour la Drôme.
Ce jeudi 13 mars 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué dans un communiqué que la rectification de données relatives à l’identité de genre ne pouvait être subordonnée à la preuve d’un traitement chirurgical.
Arrêt « Deldits », une avancée judiciaire pour nos droits
Cet arrêt intervient alors que la Hongrie a refusé à VP, une personne transmasculine de nationalité iranienne ayant obtenu le statut de réfugié en raison de sa transidentité, la rectification de sa mention de genre dans le registre de l’asile.
Pour rappel des faits : VP a obtenu son statut en 2014 en invoquant sa transidentité et produisant des attestations médicales établies par des spécialistes en psychiatrie et en gynécologie, « prouvant » que son identité de genre est celle d’un homme. Il a été enregistré en tant que femme dans ce registre.
Puis en 2022, toujours avec les mêmes attestations médicales, il a demandé à l’autorité hongroise en charge de ce registre une rectification au titre du RGPD (Règlement Général de Protection des Données), un règlement datant d’avril 2016 et relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données personnelles, rectification qui lui a été refusée au motif qu’il n’avait pas prouvé avoir subi de traitement chirurgical de réassignation sexuelle.
La CJUE a indiqué tout d’abord que la personne concernée a le droit d’obtenir une rectification de ses données à caractère personnel dans les plus brefs délais (comme le prévoit le RGPD), notamment avec un rappel que le caractère exact et complet de ces données doit être apprécié au regard de la finalité pour laquelle elles ont été collectées.
Dans le cas de VP, étant donné que la collecte a pour but d’identifier l’identité de genre vécue (et non celle assignée à la naissance), un état membre de l’Union Européenne ne peut pas invoquer l’absence dans son droit national de procédure de reconnaissance juridique de la transidentité pour faire obstacle à l’exercice du droit de rectification de ses données.
La cour a donc conclu que le RGPD devait être interprété dans le sens qu’une autorité nationale, chargée de la tenue d’un registre public, doit rectifier les données personnelles relatives à l’identité de genre d’une personne physique lorsque ces données sont inexactes au sens de ce règlement. De plus, la CJUE indique que la rectification doit être effectuée sur la base d’éléments de preuve pertinents et suffisants pouvant être raisonnablement exigés pour établir l’inexactitude des données. Elle a rappelé donc qu’aucun État membre ne peut exiger la preuve d’un traitement chirurgical de réassignation sexuelle, qui est contraire au droit à l’intégrité et au respect de la vie privée d’une personne.
La demande de preuve : une atteinte à la dignité, à l’autodétermination de genre et une expression du cis gaze
Pour rappel, le cis gaze est un regard systémique du corps des personnes transgenres ayant des fantasmes, comme par exemple la transition (plutôt médicale), la « chirurgie » (qui dans ce cis gaze est la réassignation sexuelle) ou le coming out.
La demande de preuve, que ce soit via des documents psychiatriques ou des actes médicaux de réassignation sexuelle, est une atteinte à la dignité et à l’autodétermination de genre, car cela porte atteinte à l’intimité d’un.e individu.e et cela signifierait également qu’iel ne peut pas se revendiquer de l’autodétermination de genre, car iel ne serait pas valide dans son expression ou son identité.
La situation en France : pas plus glorieuse
Pour rappel, le changement d’état civil n’est plus soumis à une demande de preuve de réassignation sexuelle depuis seulement 2017 en France. Cependant la mention de sexe à l’état civil est encore soumise au tribunal alors que la mention de prénom à l’état civil peut se faire au tribunal ou à la mairie.
Dépendre d’un.e juge décidant de si l’on est « conforme » à son genre est une humiliation de plus dans nos parcours de transition, car cela nous envoie le message implicite que « vous n’êtes pas valides dans vos identités de genre », en plus d’être une longue procédure. Pour vous donner un exemple personnel, la procédure entre le dépôt de mon dossier au tribunal et la réponse finale a pris 4 mois, ce qui est un délai court. Je pense notamment à mes adelphes parisien.nes pour lesquel.les cette procédure prend plus d’un an. La déjudiciarisation du changement de genre est donc nécessaire, que ce soit pour aller vers une meilleure autodétermination de genre ou pour aider à désengorger les tribunaux. De plus ça aiderait à lutter contre le cis gaze évoqué plus haut.
Un avenir plus positif
Nous pouvons espérer que cette décision de la CJUE va faciliter la vie des personnes transgenres à travers l’Union Européenne, car cette jurisprudence doit se décliner au niveau national des États membres de l’UE. Et ce d’autant plus dans un contexte fascisant, avec par exemple Orbán en Hongrie, Meloni en Italie, Tusk en Pologne ou Trump et Vance aux États-Unis.
Agir avec la REV pour un féminisme allié des personnes transgenres
La REV, de par son engagement radical et féministe, souhaite mettre en place par exemple le changement de la mention de genre sur simple demande, l’ajout d’une mention de genre neutre sur les papiers officiels ou la prise en charge intégrale des parcours de transition.
Nous pouvons même imaginer des mesures encore plus ambitieuses telles que l’abolition de la mention du genre sur les documents d’identité. Cette décision serait à la fois plus inclusive (pour les personnes ne souhaitant pas être identifiées par leur genre pour quelque raison que ce soit) mais aussi plus adaptée aux personnes atteintes de dysphorie de genre, c’est à dire un décalage entre le genre assigné par la société et l’identité profonde d’une personne.
Par ailleurs nous pouvons également imaginer une société où les personnes seraient sensibilisées dès le plus jeune âge aux thématiques d’identité de genre et donc la diversité incluse par celles-ci, ce qui de fait permettrait de lutter contre le cis gaze.
Cette mention n’est obligatoire que depuis un décret de mars 1987, appliqué avec la mise en œuvre de la carte d’identité plastifiée, en 1988.
Sources :
https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2025-03/cp250034fr.pdf
https://representrans.fr/2020/11/02/le-cis-gaze-en-bref/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_nationale_d%27identit%C3%A9_en_France
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