Pour une agriculture d'intérêt général : faisons des agriculteurs des fonctionnaires de l'État
Le 13/02/24
Tribune de la Révolution Écologique pour le Vivant
Publiée dans le journal Marianne le 14 février 2024
Chute des revenus sous le poids de l’industrie, utilisation de produits néfastes pour la santé et la biodiversité, endettement, soumission à des normes sans aucun accompagnement, perte de sens d’un travail déshumanisé et destructeur du vivant : la crise de l’agriculture est profonde, systémique. Face à cette réalité gravissime, la réponse du gouvernement ce 1er février est non seulement insuffisante, mais totalement irresponsable. En mettant à l’arrêt le plan Écophyto et en proposant l’octroi de prêts supplémentaires aux agriculteurs, Gabriel Attal et ses ministres ont décidé de répondre à la misère agricole par des annonces anti-sociales et anti-écologiques, qui, si elles contentent le lobby agro-industriel FNSEA, ne font qu’empirer la situation du pays.
La Révolution Écologique pour le Vivant (REV), parti fondé par Aymeric Caron, propose de repenser complètement le modèle agricole actuel, en commençant par faire de l’agriculture un service public à part entière.
Nourrir la population : une mission au service de la société
S’alimenter correctement est un droit fondamental qui doit être assuré par l’État à ses citoyens, au même titre que l’accès à l’éducation, à la santé ou à l’information. Dans ce cadre, l’agriculture est une activité qui doit relever de la mission d’intérêt général, avec les moyens, le cadre et le budget que ce grand chantier implique. Faire des agriculteurs des agents publics reviendrait à redonner de la dignité à un métier injustement déconsidéré. Ces femmes et ces hommes ont la responsabilité de nourrir la population : placer l’agriculture sous l’égide de la Nation élèverait le rôle des paysans à sa juste valeur, celle d’une contribution à l’intérêt général, de la même manière que les professeurs ou le personnel soignant. Délestés de la pression économique, les agents de l’État pourraient ainsi pleinement s’épanouir dans un métier de sens, dédié à la sécurité alimentaire de toutes et tous, à la santé publique et au soin de la terre et du vivant.
Une solution pour les salaires, les inégalités et l’emploi
Outre la mission purement alimentaire d’une agriculture publique, la nationalisation du secteur agricole aurait également vocation à améliorer les conditions de vie des agriculteurs et à lutter contre les inégalités. Les paysans reconvertis en fonctionnaires de l’État bénéficieraient de revenus décents et stables, éliminant ainsi définitivement la précarité financière de leur quotidien. Une façon de pallier les lacunes des lois Egalim qui ne fonctionnent pas tout en créant de nombreux emplois, allégeant dans le même temps la charge de travail de chaque paysan grâce à une meilleure répartition. Alors que dans 10 ans, 50% des agriculteurs partiront à la retraite[1], il est urgent de prendre des mesures pour sauver la profession et la rendre viable et vertueuse sur le long terme. La sécurité de l’emploi fait d’ailleurs partie des principes fondamentaux régis par le Code Général de la Fonction Publique : le statut de fonctionnaire protège les travailleurs et permet une rémunération pérenne, évolutive et fixée selon des grilles indiciaires assurant une certaine équité, mais aussi une protection juridique et une formation professionnelle continue.
D’autres dispositifs propres à la fonction publique protègeraient les agriculteurs sur le plan de la santé et de la sécurité au travail, là où aujourd’hui ils sont laissés à l’abandon, notamment face à leur exposition aux produits phytosanitaires. Le dispositif de fonds d’indemnisation proposé par la MSA mis en place en 2020 a abouti à seulement quelques centaines de dossiers instruits sur 10 000 demandes de la part de victimes[2]. C’est insuffisant.
Un moyen de lutter contre le diktat de l’agro-industrie
Nationaliser la profession agricole reviendrait à la libérer des aléas incertains du marché. Les distributeurs seraient contraints de respecter des marges plafonnées et de se tourner en priorité vers les matières premières produites par les fonctionnaires. En parallèle à une rémunération fixe attribuée directement par l’État aux agriculteurs, il s’agirait d’assurer aux citoyens l’accès à une alimentation saine, végétale et locale quels que soient leurs revenus. À cause de l’inflation, 1 Français sur 6 déclare ne pas manger à sa faim[3]. Il serait ainsi question de lutter contre la précarité alimentaire, au travers d’une sécurité sociale de l’alimentation. En rendant l’agriculture publique, nous pourrions enfin mettre un terme à la toute-puissance du privé - supermarchés et firmes phytosanitaires - sur les agriculteurs et les citoyens, en promouvant notamment les circuits courts et des pratiques agricoles écologiques, telles que la permaculture.
Simplifier la transition écologique dans l’agriculture
En tant que service public affranchi des lobbies industriels, l’agriculture réinventée irait de pair avec une politique écologique ambitieuse. L’un ne pourrait d’ailleurs pas fonctionner sans l’autre : les droits du vivant inscrits dans la Constitution garantiraient une agriculture publique vertueuse, quel que soit le gouvernement. Gardiens de l’alimentation des Français, les agriculteurs-fonctionnaires seraient dans le même temps chargés du respect du vivant. La REV promeut un véritable accompagnement des acteurs dans la transformation de leur métier vers un modèle végétal, biologique et éthique. Agents de l’État, les travailleurs ne vivraient plus les normes environnementales comme des fardeaux à porter seuls, mais comme un cadre de travail assuré par leur employeur : la collectivité. De la même manière, la Politique Agricole Commune n’aurait plus vocation à industrialiser les exploitations agricoles, mais à soutenir chaque politique d’agroécologie nationale, partout en Europe.
Une avancée globale, au-delà de l’agriculture
L’agriculture n’est pas le seul secteur à être en crise. Parmi les nombreuses causes du mal-être généralisé : la précarité grandissante (près de 11 millions de pauvres en France[4]), une crise écologique sans précédent et une casse des services publics. En défendant une agriculture d’État, comme l’a proposé Aymeric Caron dans son ouvrage Utopia XXI[5], la REV défend un horizon politique révolutionnaire, qui dépasse la seule question agricole. Car cette mesure devra s’accompagner d’une sortie du système productiviste dans son ensemble, un projet de société utopiste qui s’impose comme une solution réaliste face aux enjeux de notre temps.
La Révolution Écologique pour le Vivant (REV)
[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717#tableau-figure3_radio1
[2]https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cepestici/l16cepestici2324024_compte-rendu
[3]https://www.la-croix.com/Economie/Precarite-alimentaire-francais-six-mange-pas-faim-selon-etude-2023-05-18-1201267803
[4] https://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/pauvrete-inegalites-france/
[5] Paru aux éditions Flammarion en 2017
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