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Par Alexandre, éducateur spécialisé dans le domaine de la protection de l’enfance et membre de la REV.

Le premier ministre a prononcé, ce mercredi 30 janvier, sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale. Dans son accumulation de mesures droitières, il semblerait qu'il ait omis d'évoquer ce qui était censé être l’une des "grandes causes du quinquennat" d'Emmanuel Macron, à sa réélection : la protection de l'enfance.

Des effets de communication

La cause des enfants ne cesse de reculer. Dernier fait en date ? La loi immigration instituant la préférence nationale en matière d'aide sociale à l'enfance. 

En France, on dénombre 160 000 victimes mineures chaque année et un enfant victime d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle toutes les trois minutes. Le temps est précieux. 

Actualité oblige, Gabriel Attal a certes abordé la justice des mineurs. En réalité, dans la lignée des annonces d'Élisabeth Borne, nous avons eu droit à des effets de communication, Le premier ministre a annoncé "des sanctions adaptées pour les mineurs de moins de 16 ans" par le biais de "travaux d'intérêt éducatif". Si l'on s'en tient au discours, cela existe déjà sous une autre appellation : "la mesure de réparation pénale", une mesure éducative prononcée à l'égard d'un mineur, accompagné par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Plus précisément, il est proposé à l’auteur d’une infraction pénale de réaliser une activité d'aide ou de réparation au bénéfice de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité. Monsieur Attal n'invente rien. Il pourrait par contre renforcer les moyens de mise en œuvre de ce dispositif. 

50 000 enfants en internat : quid des milliers d’enfants à la rue ?

Avançant un concept "presque" nouveau, arrive le célèbre TIG (travaux d'intérêt général) dans le discours du premier ministre. Mais cette fois-ci, cela concerne "les parents de jeunes délinquants, qui se sont totalement soustraits à leur responsabilité parentale". Pour adoucir le propos, il indique ne pas vouloir accabler ceux qui ne seraient pas "responsables de la dérive de leur enfant" et propose aux parents de les placer en internat, 50 000 places attendent. 

50 000 ? Cela tombe bien, 3000 enfants ont dormi dans la rue, dans notre pays, à la fin de l'année 2023. 

50 000, c'est également une chance pour les enfants en danger, de plus en plus nombreux dans les départements, en attente de placements effectifs, en familles d'accueil ou en collectifs. 

La guidance parentale, les collectivités s'efforcent de la mettre en œuvre par le biais de dispositifs de prévention, par exemple, éducateurs de rue, accompagnements éducatifs à domicile, lorsque les services de l'aide sociale à l'enfance parviennent à recueillir l'adhésion des familles. Lorsque ce n'est pas le cas, dans le cadre judiciaire, des mesures d'assistance éducatives sont prononcées. Ici aussi, la question de l'accompagnement de la parentalité est centrale. Pourtant, le secteur est en crise, depuis maintenant de nombreuses années, les professionnels sont épuisés à force d'injonctions paradoxales : protéger, accompagner toujours plus mais avec toujours moins de moyens. 

Déjà vulnérables, les mineurs placés à l'aide sociale à l'enfance subissent les différentes crises traversées par notre société, de manière décuplée. Ce n'est malheureusement pas les mesures annoncées devant les parlementaires, en matière de pédopsychiatrie, qui changeront ce constat alarmant. 

Nous avons une responsabilité envers celles et ceux que nous mettons au monde

Protéger les enfants, c’est assumer la responsabilité évidente que nous avons envers celles et ceux que nous mettons au monde et qui ont le droit fondamental de vivre leur vie à l’abri du besoin et loin des violences physiques et/ou morales. C'est  aussi protéger la société de demain. Ouvrir les yeux, à hauteur d'enfant aujourd'hui, c'est éviter, adultes, le retour des images incessantes, de la maltraitance, la violence, de l'humiliation, du viol : du traumatisme. 

Il s'agit de penser et d’amorcer une vraie réforme structurelle pour donner un véritable sens  à la protection de l’enfance, entre la compétence des territoires et la responsabilité qui doit être engagée par le régalien. En ce qui concerne l'enfance, les thématiques sont transversales : justice, santé, pédopsychiatrie, psychologie et psychopathologie, éducation. Tout ceci  nécessite un changement complet de méthode, d’approche et de représentations de la problématique du signalement et de la prise en charge des enfants et des adolescents en danger. 

Gabriel Attal avait la responsabilité de se rattraper en nommant un.e ministre chargé.e de l'enfance en danger. C'était un minimum, devant l’importance de l'enjeu : les enfants sont des personnes en plus d’être les adultes de demain, ils ne sont pas des variables d’ajustement destinées à alimenter les politiques adultistes/agistes de “réarmement” portées par la Macronie.

Malheureusement, hier, il a nommé Sarah El Haïry à la tête de ministère de l'Enfance. Celle-là même qui avait défendu la généralisation du Service National Universel, un dispositif coûteux visant à mettre au pas la jeunesse, à la militariser et à la formater à la vision macroniste de la République. Le SNU est largement décrié par son concept : l'éducation civique obligatoire sera donnée aux jeunes par l'armée, par manque de cadre dédié.

La vision de la jeunesse par cette ministre nouvellement nommée pose question sur l'avenir de notre pays.

Car les choix d'aujourd'hui bâtissent la société de demain.

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