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Par Jean-Loup Diaz, membre de la REV.

 

Chacun sait que la croissance est un phénomène naturel qui fait que tout organisme vivant grandit jusqu'à ce qu'il ait atteint sa taille d'adulte. Les économistes, eux, sont assez fous pour penser que les productions  doivent croître d'année en année, dans un processus qui n'aurait pas de fin, alors que nous vivons dans un monde  aux ressources limitées.

Les membres de la REV  luttent contre la croissance parce qu'ils pensent que la décroissance est nécessaire pour l'avenir de notre Terre et pour la vie de tous les êtres vivants.

I. CRITIQUE DE LA CROISSANCE 

La croissance et la Nature

Rappelons que la Nature est l'ensemble des êtres vivants, animaux et végétaux, ainsi que le milieu où se trouvent minéraux, mers, montagnes, continents. En d'autres termes, la Nature est tout ce qui n'est pas construit directement par l'homme. Les dégâts causés sur la Nature par la croissance sont inquiétants. Dans un milieu naturel,  par exemple un lac  composé d'éléments minéraux, d'eau, d'air, de végétaux, d'archées (êtres vivants composés d'une seule cellule), et d'êtres vivants plus ou moins complexes, la Nature - grâce à l'énergie apportée par le soleil - assure en permanence l'équilibre indispensable à la vie.

L'industrialisation et l'urbanisation ont perturbé les écosystèmes. Les humains ont détruit beaucoup d'espaces naturels. Ceux qui n'ont pas été modifiés par l'homme sont devenus rares. La biodiversité s'est appauvrie. L'agriculture intensive a détruit des haies, utilisé la monoculture, employé des engrais chimiques tels que les pesticides... Cela a bouleversé les écosystèmes, appauvri la biodiversité et pollué l'air, les sols, les ruisseaux, les rivières et la mer. 

Les animaux sont aussi des victimes de la croissance. La chasse et la destruction des lieux occupés par des animaux ont contribué à la disparition de certains mammifères. Il y a eu aussi le concept d'animal nuisible qui n'a aucun sens. De nombreux animaux en ont été victimes : le vison d'Amérique, le raton laveur, la belette, la fouine, le putois, le renard, le corbeau freux, la corneille noire, la pie bavarde, le geai des chênes et l'étourneau sansonnet... Bien entendu ce classement n'a aucun fondement scientifique. Le terme nuisible a été supprimé en 2016 pour être remplacé par l'expression  "animaux susceptibles d'occasionner des dégâts". Maintenant, les animaux meurent dans un piège ou dans un tir en battue.

Outre les mammifères, de nombreuses espèces sont menacées, notamment parmi les poissons, les insectes et  les espèces végétales. Parmi les dégâts causés par la croissance,  Il faut noter aussi une hausse du niveau des océans, la fonte des glaciers, la multiplication des phénomènes extrêmes et des anomalies climatiques qui annoncent des catastrophes plus fortes que celles qu'on a déjà connues.

Lutter contre les déséquilibres écologiques nécessite en priorité un autre système qui s'appuie sur la décroissance. 

La croissance et l'Humain

Depuis des décennies, les mythes de l'économie productiviste, les mensonges et une pensée inadaptée au monde d'aujourd'hui ont conduit non seulement au désastre écologique mais aussi aux drames pour les humains. Augmenter la production, en réduisant au maximum les salaires, en sacrifiant la qualité des produits, en polluant, en mettant en jeu notre santé, c'est le credo de ce système. Depuis les débuts de l'ère industrielle, celle-ci n'a jamais eu pour finalité la satisfaction des besoins essentiels. Par contre, le système a réussi à susciter de nouveaux besoins, afin d'augmenter sans cesse la consommation. Pour cela, il a utilisé le matraquage permanent de la publicité, sur les panneaux des villes et des villages, dans les journaux, puis à la radio et sur les écrans de télévision. Il a donné aux produits une valeur sociale, un statut hiérarchique. Il a suscité l'envie de posséder l'objet dernier cri pour que les gens puissent affirmer leur différence sociale. 

Et puis la perversité s'est aggravée : on a réduit la durée de vie des appareils, on les a rendus obsolètes au bout de quelques années, voire quelques mois, on a poussé le gaspillage au maximum en lançant la mode des produits jetables. Pour rendre les produits plus séduisants et plus chers, on a augmenté les emballages, on a fait payer les biens autrefois gratuits (par exemple l'eau). La publicité, les programmes anesthésiants de la plupart des chaînes de télé, ont conditionné les gens. Les familles modestes ont perdu leur autonomie. Pour acquérir les produits en vogue, on a eu recours aux heures supplémentaires, on s'est s'endetté fortement...

Ainsi, les plus modestes et ceux qui ne possèdent rien ont-ils sacralisé l'argent, autant que ceux qui le dépensent sans compter. L'aliénation est si forte que les classes exploitées et leurs représentants (les syndicats et la plupart des partis politiques) ont réclamé régulièrement la relance de l'économie, donc plus de production, pour permettre aux gens de mieux s'intégrer dans la société. Cela s'accompagne souvent du désir d'accéder à la classe sociale dite supérieure, et a pour conséquence la montée des égoïsmes au détriment des solidarités. Cette conception, basée sur une croissance infinie, n'a pas réduit l'écart entre riches et pauvres au contraire, elle a élargi le fossé.

C'est cette imposture que des penseurs dénonçaient déjà dans les années 60 et que reprennent aujourd'hui des militants engagés dans de multiples actions : ceux qui luttent contre la pub, d'autres défendent la culture libre, d'autres sont partisans de la décroissance. Ces militants ne préconisent pas un retour en arrière. Beaucoup d'entre eux pensent que le seul moyen de sortir de la crise de civilisation qui ne cesse de s'aggraver, c'est de rompre avec ce type de société. La notion de croissance économique sans fin, avec ses critères de mesure actuels, est un instrument absurde. Nous devons nous en détacher.

Renoncer à l'idée de croissance infinie, c'est aussi remettre en cause la conception de l'homme dans la société industrielle, un homme coupé de la nature, englué dans la culture marchande, un homme dépersonnalisé par des tâches répétitives, domestiqué par la hiérarchie, fiché par l'informatique, un homme déraciné, désenchanté. Quel progrès ont amené les avancées techniques, l'automatisation, l'informatisation ? C'est le rythme de la machine qui s'est imposé aux travailleurs, 24 heures sur 24, en créant de nouveaux rythmes de vie, de nouvelles maladies professionnelles, psychologiques, des frustrations.

La précarité, le chômage n'ont cessé de progresser, l'exclusion a gagné du terrain. Dans les pays riches, une véritable religion du travail s'est créée. Le travail est devenu la valeur sociale dominante, souvent il est la seule activité collective et même le seul moyen d'identité de soi. Il existe dès à présent des îlots de résistance qui prouvent que l'on peut sortir de cette logique. 

Hannah Arendt a écrit que les besoins de première nécessité sont un moteur puissant parce que notre vie en dépend et qu'en nous poussant à travailler pour les acquérir, le capitalisme était capable de se présenter en tant que système social. Pour elle, le seul moyen d'être libre, c'est de s'affranchir de cette aliénation. Le modèle productiviste a réduit l'être humain à l'état de producteur/consommateur. La décroissance lui rendra sa liberté. 

C'est ce que nous verrons dans le prochain article.

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