Violences policières : des quartiers populaires aux luttes écologistes. La solidarité avec les victimes s'impose face aux injustices
Le 11/10/24
Par Ben Desurmont co-référent REV du département du Rhône
Les violences policières sont un sujet auquel la REV s'est déjà intéressée. En effet, dans une REVunion publique en novembre 2023 intitulée “Jeunesse et Police, le dialogue impossible ?”, Azelma Sigaux, porte parole de la REV tendait le micro à Michelle Guerci (journaliste et militante antiraciste féministe), Samia El Khalfaoui (tante de Souheil, abattu par la police à Marseille), Arié Alimi (avocat) et Fabien Bilheran (ancien policier et lanceur d'alerte). Cette réunion publique s'inscrivait dans la tragique actualité de la mort de Nahel Merzouk, tué par un policier, l'occasion également de pointer l'ensemble des violences policières qui touchent non seulement les quartiers populaires mais également les gilets jaunes, les écologistes et tous les mouvements qui luttent pour plus de justice sociale ou environnementale.
La critique des violences policières n'est pas nouvelle, depuis la fondation même de la police. Plus récemment, nous pouvons évoquer les années 60 avec notamment les massacres des algériens ou encore les années 80 avec les marches des mères du quartier des Minguettes. Et nombreux⸱euses sont les personnes et collectifs associées à cette critique pour n'en citer que quelques uns, nous pouvons évoquer l'historien Maurice Rajsfus (rescapé de la rafle du Vel d'Hiv menée par la police française), Adama Traoré, le journaliste David Dufresne ou les collectifs comme Désarmons-les !, les divers collectifs Vérités et Justice ou encore celui des Mutilé.e.s pour l'exemple.
Sous Macron, toujours plus de violences policières
D'ailleurs ne serait-il pas plus avisé de parler de “la violence de la police” plutôt que des “violences policières” ? En effet, le fait est que parler de “violences policières” renvoie à des individu·es. Alors que désigner l'institution, l'Etat, le gouvernement, qui est d'une certaine manière le responsable de ces dérives, de ces violences exacerbées, tabassages, mutilations, qui font système et qui sont monnaie courante de ceux que l'on nomme, probablement ironiquement, les “gardiens de la paix”.
Source image: Décès aux mains de la police, moyenne annuelle par quinquennat. Source: flagrant-déni.fr
Les faits sont têtus. C'est sous la présidence d' Emmanuel Macron que la violence de la police a augmenté, et associations, collectifs et journalistes sont toujours plus nombreux à dénoncer ces excès. Parmi ceux-ci nous trouvons par exemple le média “Flagrant déni” qui se décrit comme “un média engagé contre l'impunité policière” réalisant enquêtes, témoignages, articles ayant entre autres pour vocation de “montrer que les violences policières résultent plus de pratiques institutionnelles que de bavures personnelles “. Dans un article et une vidéo de Flagrant déni, très justement intitulée “Violences policières, l’escalade ?”, les chiffres sont frappants : Sous Macron, toujours plus de violences policières, mais aussi toujours plus de morts des violences policières.
Ainsi, sous la présidence Sarkozy, nous étions à 15 morts par an, sous Hollande à 22, et sous Macron nous sommes passés à 30 par an, avec un pic à 52 morts en 2021.
Alors qu'un nouveau premier ministre a été désigné en France, le très réactionnaire Bruno Retailleau, nous ne pouvons que lui conseiller d'aller prendre des notes dans les pays Scandinaves. En Europe, la Norvège et l'Islande font figure d'exceptions, les personnes tuées par la police sont presque inexistantes. Bien évidemment, dans ces pays la police est rarement armée, tout comme au Royaume-Uni ou en Nouvelle-Zélande.
Mais les violences policières ne regroupent pas que les personnes tuées, toutes les blessures occasionnées par les “gardiens de la paix” et leurs actes problématiques sont regroupés sous ce terme. Le site internet intitulé violencepolicieres.fr recense depuis 2018 un total de 7092 victimes et faits de violences policières. Michelle Guerci, lors de la réunion publique de la REV en novembre 2023 évoquée en amont, parle du fait que “la répression touche tout ce qui bouge” y compris les défenseur⸱euses du vivant.
Des écologistes, des antispécistes violenté⸱es et agressé⸱es
Nombreux sont les cas de violences policières, tellement nombreux qu'on aurait du mal à comptabiliser celles et ceux qui en sont victimes. Les victimes comptabilisées ne sont que le sommet de l’iceberg. Encore très récemment, nous évoquions dans un article sur notre blog celles qui ont lieu en lien avec l'écocidaire projet d'autoroute A69 en Occitanie. Cet article intitulé “Chantier de l'A69: violences et intitmidation à l'encontre des militants écologistes et habitants” évoquait entre autre des départs d'incendies de personnes cagoulées pro-autoroute et la détérioration des preuves par la gendarmerie locale ou encore la chute de militant⸱es qui s'étaient réfugié⸱es dans les arbres pour empêcher leur destruction. Des chutes, bien évidemment provoquées par la gendarmerie. Tombées de 8 mètres, ces militant⸱es écologistes ont subi⸱es de graves blessures. Et c'est sans compter les autres atteintes à la vie de ces militant⸱es, celles et ceux qu'on appelle les écureuil⸱es, puisque la gendarmerie a tout fait pour empêcher leur ravitaillement en eau et en nourriture. A ces violences s'ajoutent de nombreuses interpellations d'écologistes.
Source image: sudouest.fr “Déploiement de gendarmes sur le tracé de la future autoroute A69 en mars 2023”
Il faut dire que les écologistes sont scruté⸱es de prêt par la police et les renseignements généraux. Tout comme les antispécistes. Nous pouvons par exemple évoquer le cas de Amélie, connu également sous le pseudonyme de “Marie Acab-land”. C'est sous ce dernier pseudo, qu'elle a révélé en ligne les propos racistes et haineux des forces de polices présents sur le groupe facebook intitulé “TN Rabiot Police officiel”. C'était en 2017, et ces révélations n'ayant pas plus au sein de la police, Amélie a été harcelée de toute part part par les principaux concernés. Le collectif “Désarmons Les” revient dans un long article sur cette horrible situation intitulé “Harcèlement et acharnement judiciaire contre Amélie “Marie Acab-land”: quand la police se fait justice”. Amélie a subi un “acharnement [car] elle s’est intéressée de trop près aux pratiques violentes et aux convictions haineuses régnant au sein de la police française”. Les policiers ont tout fait pour la condamner, face à un énième harcèlement de la police Amélie explose en pleurs, les policiers vont par exemple lui reprocher d'avoir “voulu ameuter la foule”. Lors du jugement, les notes blanches saugrenues des services de renseignements sont également ajoutées au dossier.
Dans celles-ci nous pouvons lire que “l'intéressée fait preuve d'une radicalisation de plus en plus inquiétante. Elle est connue de notre Direction depuis 2016 comme activiste de la mouvance antispéciste. Elle a été observée à plusieurs reprises en marge de rassemblement en faveur de la cause animale, affirmant progressivement lors de ces démonstrations, son engagement contre toute forme d'oppression”.
Imaginez-vous, Amélie, une jeune personne d'une vingtaine d'année a voulu protester contre les propos racistes et haineux de “gardiens de la paix” et a de plus l'outrecuidance d'être une antispéciste qui s'engage dans la lutte contre toutes les injustices, quel danger !
Les violences dans les quartiers populaires, le triste exemple de Iheb
Les violences policières sont encore plus présentes dans les quartiers populaires. Les services publics sont de moins en moins nombreux, mais la force policière avec des armes de guerre, elle, est toujours plus présente. Et le racisme systémique présent dans la société est exacerbé par les policiers qui exercent dans les quartiers. De nombreuses images montrent jour après jour, années après années, les violences que subissent les gens. Et le fait est que les agressions policières qui sont filmées ne représentent même pas 10% de celles qui sont présentes.
Parmi toutes celles-ci, il y a par exemple les violences subies par Iheb, en juin à Vénissieux dans le département du Rhône. Alors que la police était en intervention et lançait des gaz lacrymogènes dans la rue en face de commerces, Iheb à eu la mauvaise idée de demander aux policiers de faire attention car il y avait des personnes âgées, des familles avec enfants présentes qui se trouvaient en difficulté à cause des gaz. La police l'a poursuivi dans le bar tabac ou il travail, il a été sorti manu militari et matraqué à de nombreuses reprises. Un déchaînement de violences qui a été filmé. Il est à noter que les policiers se sont dépêché de se cacher le visage dès l'instant qu'ils ont remarqué être sous l'œil des caméras des passant⸱es, bien conscient d'agir en criminels.
Manifestation en soutien à Iheb organisé par le collectif inter-organisation “En deuil et en colère”, à Vénissieux, le 5 octobre 2024
Le collectif inter-organisation “En deuil et en colère” dans lequel la REV est présente, aux côtés d'une centaine d'autres partis politiques, associations, collectifs et syndicats a organisé samedi 5 octobre 2024 à Vénissieux une marche en soutien à Iheb et pour dénoncer les violences policières. Le collectif qui s'est formé suite au merutre de Nahel a pour objectif de visibiliser les violences policières et d'accompagner du mieux possible les familles des victimes. C'est une centaine d'organisations qui sont derrière ce collectif et qui ont signé le communiqué de création du collectif intitulé “Notre pays est en deuil et en colère” demandant une profonde réforme de la police.
Que faire face aux violences policières ? Du réformisme à l'abolition
Les violences policières ne sont pas un fait nouveau, il y a 2 siècles déjà, certains invitaient à “danser la Ravachol” en protestation, d'autres, disons, plus pacifiques et utopiques appellent à l'abolition de la police. Si c'est dans les années 60 que ces idées apparaissent en lien avec le mouvement des Black Panthers, l'abolition de la police s'est a nouveau popularisé depuis 2010 et encore plus récemment au cours de notre décénie avec le meurtre de George Floyd en mai 2020. Lors des manifestations du mouvement “Black Lives Matter” réalisées pour dénoncer les violences policières et le meurtre de Geroge Floyd aux Etats-Unis, nous pouvions voir des affiches invitant à “définanciariser la police” mais également certaines qui appelaient concrètement à l'abolition de la police. Bien que très présente outre-atlantique, la question de l'abolition de la police est moins connue dans nos contrées françaises. Néanmoins, cela tend à changer. Ainsi, nous pouvons évoquer la plateforme du collectif Matsuda qui s'intitule “Abolir la police” et qui regroupe différents textes sur ce sujet. Le collectif a également sorti un livre du même nom.
Source image: aclu.org
Parmi les différents acteur⸱ices qui amènent ce sujet en France, il est de rigueur d'évoquer l'autrice Gwenola Ricordeau, professeure en justice criminelle à la California State University, qui a écrit et dirigé l'ouvrage “1312 raisons d'abolir la police”. Ouvrage dans lequel elle évoque que ses recherches sur l'anticarcéralisme (comme son ouvrage “Femmes contre la prison”) l'ont logiquement amené à s'intéresser à l'abolition de la police. C'est dans cet ouvrage, que nous retrouvons un entretien de Robyn Maynard, autrice, militante et professeure au Département d’études historiques et culturelles de l’Université de Toronto, qui évoque ce qu'est l'abolition :
“Pour moi l'abolition signifie le rejet de l'idée selon laquelle les représentants armés de l'Etat, la surveillance ainsi que l'enfermement d'être humains constituent une réponse appropriée à la violence. L'abolitionnisme présume au contraire que toute forme de surveillance, de présence policière et de captivité est une source de souffrance et ne peut, pour cette raison, être envisagée comme une solution réparatrice ou un moyen de prévenir la violence. En même temps, il s'agit d'un rejet des réponses carcérales aux inégalités sociales, raciales et économiques, je vois aussi l'abolition comme une manière d'envisager et de créer le type de société qui pourrait réellement célébrer la vie”.
Cependant, à l'heure d'aujourd'hui, rares sont les organisations qui défendent l'abolition de la police, et nous restons dans une démarche, déjà salvatrice et nécessaire, qui est plus réformiste.
Ainsi, dans le cas de Iheb évoqué plus haut et la manifestation qui eu lieu contre les violences policières, nul mention d'abolitionnisme pour le moment, néanmoins l'inter-organisation s'accorde pour demander l'ensemble des mesures suivantes:
Une condamnation pénale des responsables de violences policières et sécuritaires
L'abrogation de la loi de 2017, dite "Cazeneuve" sur l’assouplissement des règles en matière d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre
Une réforme en profondeur de la police, de ses techniques d’intervention et de son armement
Le remplacement de l’IGPN par un organisme indépendant de la hiérarchie policière et du pouvoir politique, et que les citoyen⸱nes soient informé⸱es du déroulement des procédures
La création d’un service dédié aux discriminations touchant la jeunesse au sein de l’autorité administrative présidée par le Défenseur des droits et le renforcement des moyens de lutte contre le racisme, y compris dans la police
Affiche de l’appel à manifestation contre les violences policières le 5 octobre 2024
Des mesures qui sont bien évidemment partagées et signées par la REV. En tant que parti d'écologie radicale antispéciste, nous luttons pour un monde meilleur et l'opposition aux violences policières est un sujet majeur. Les forces de la police n’étant que le bras armé de politiques capitalistes, injustes, discriminatoires, écocides et spécistes.
Malheureusement, nous pourrions continuer longtemps sur les questions de violences policières et sur le côté répressif de l'Etat, ces dernières semaines, nous pourrions encore évoquer le retour des CRS en Martinique alors qu'ils n'étaient plus présent sur l'île depuis 60 ans suite à des dérives racistes et sanglantes, les 13 morts depuis mai dernier en Kanaky ou encore les arrestations abusives de militant⸱es antifascistes rassemblé⸱es contre la transphobie le samedi 5 octobre 2024 à Paris.
Plus que jamais, il est temps de s'engager ensemble contre les violences policières, pour un monde plus pacifique et non-violent comme le propose la REV.
Sources:
Amnesty Internationale. Violences policières en France <https://www.amnesty.fr/dossiers/dossier-violences-policieres-en-france>
Basta.media <https://basta.media/webdocs/police/>
Collectif Matsuda “Abolir la police” <https://abolirlapolice.org/>
Désarmons-les <https://desarmons.net>
Flagrant Déni “Macron: l’escalade de la violence policière en chiffres” <https://www.flagrant-deni.fr/macron-lescalade-de-la-violence-policiere-en-chiffres/>
Flarant Déni “Permis de tuer: le moi de mai qui fera condamner la France” <https://www.flagrant-deni.fr/permis-de-tuer-le-mois-de-mai-qui-fera-condamner-la-france/>
Gwenola Ricordeau (dir.) “1312 raisons d’abolir la police” <https://luxediteur.com/catalogue/1312-raisons-dabolir-la-police/>
Les mutilés pour l’exemple <https://www.lesmutilespourlexemple.fr/>
Mediapart “Manifestation antitranspbobie à Paris: des arrestations à gogo, l’intox sur les “armes” s’évanouie à l’audience” <https://www.mediapart.fr/journal/france/081024/manifestation-antitransphobie-paris-des-arrestations-gogo-l-intox-sur-les-armes-s-evanouit-l-audience>
Reporterre “Et si on vivait sans police” <https://reporterre.net/Et-si-on-vivait-sans-police>
Reporterre “La police n’a pas lieu d’exister dans un monde qui va bien” <https://reporterre.net/La-police-n-a-pas-lieu-d-exister-dans-un-monde-qui-va-bien>
Révolution Ecologique pour le Vivant. Youtube. “Jeunesse et Police, le dialogue impossible ?” <https://www.youtube.com/watch?v=CULCtOjkfis>
Violencespolicières.fr <https://violencespolicieres.fr/>
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